Les précieuses ridicules

Je suis en retard. Je claque la porte. Je dévale l’escalier. Je croise le chien du deuxième. Il porte son ridicule manteau imprimé papier journal. J’étouffe un rire car son maître arrive. Je dis bonjour et sors courir après mon bus.

Tous les matins je suis en retard et je les croise assez souvent. Les Précieuses Ridicules comme je les appelle ; Monsieur toujours tiré à quatre épingles et son caniche nain en manteau de vinyle.

Je sens son regard dans mon dos : désapprobateur. J’entends d’ici sa pensée ; « Ah ces jeunes ! Toujours à courir ! ». Je suis sûre qu’il extrapole en se disant que de son temps on ne partageait pas son appartement entre cinq jeunes, filles et garçons mélangés. Je n’ose même pas croire à tout ce qu’il doit imaginer sur nous ! Le pauvre, il n’a que ça à faire…

Ces temps-ci, j’ai vraiment l’impression qu’il fait exprès d’être dans le couloir à l’heure où je descends. Je le soupçonne de guetter ma sortie. On entend tout dans l’immeuble, il lui est donc facile de surveiller le moment où j’ouvre ma porte. Je les imagine tous les deux, dans leur couloir, prêts pour leur promenade du matin. Ils écoutent et se ruent sur le palier alors que je commence à descendre les marches de l’escalier.

Lundi. Il a fait exprès de laisser filer la laisse du chien et donc de me gêner le passage.

Mardi. Il a fait tomber sa canne juste au moment où j’arrivais pour que je la lui ramasse.

Mercredi. Il a pris tout son temps pour fermer sa porte et donc il obturait le passage alors que j’avais les poubelles dans les mains.

Aujourd’hui. Le comble, il m’a adressé la parole ! Oui, le papy du deuxième, flanqué de son caniche nain noir, m’a arrêté pour me demander l’heure. Il n’a rien d’autre à faire que de surveiller mon départ et il me demande l’heure ! Qu’est ce que j’en savais moi ! Je n’ai pas de montre ! Je me contente tous les matins de courir après mon bus. Mais bon, pour les bonnes relations avec le voisinage, je me suis arrêtée, j’ai ouvert mon sac et lui ai annoncé 8h21 comme inscrit sur l’écran de mon portable. L’heure du bus. Les Précieuses Ridicules avaient gagné, j’avais raté mon 206. Du coup, je suis partie en marchant tranquillement afin d’attendre le suivant.

Leur petit manège commençait sérieusement à m’agacer. Le lendemain, voilà qu’il laçait ses souliers dans l’escalier. Rappelons qu’il sortait juste de chez lui où il avait eu tout le loisir de s’acquitter de cette tâche. Moi, je considère franchement cela comme de la provocation.

Arrivée en bas, je m’aperçois que le chien m’a suivi mais que le maître est toujours en haut. J’ouvre la porte et le caniche se précipite dehors. Un sourire machiavélique se dessine alors sur mon visage. J’estime que je ne suis pas à un retard prêt. Je kidnappe le chien et me précipite vers la place. Je m’approche du puits. Le chien se débat dans mes bras. « Tu rigoles moins maintenant ! » je lui murmure à l’oreille. Et d’un geste, je lui arrache son manteau et le jette au fond du puits. Je rigole sous cape et relâche ma victime. Son maître arrive, un peu affolé, en appelant son chien. Je me glisse derrière les buissons et rejoints tranquillement mon arrêt de bus.

Me voilà tout à fait satisfaite de ma petite vengeance !

Comments

[Camille]

Rassurez-vous, ce n'est que de l'imagination (je sais, mon imagination est diabolique, hin, hin,hin).

Par contre les "précieuses ridicules" existent vraiment !!

[Sonia, MISS BLOG]

hein ? T'as jeté un chien dans un puit ????
Mais t'as aucune morale !

Sonia Bardot

[jean-philippe]

Bien vu ton texte !! si c'est du vécu 100 pour cent ...ce monsieur doit considérablement s'ennuier pour ainsi épier les moindres faits et gestes que tu peux réaliser chaque jour ...il a pas l'air commode ce papy !!
di moi ...la fin est imaginaire ...t'as pas fait çà petite Camille ? meme pour te venger de "précieuses ridicules" !!!!?